2017 : "D'lo d'la tè" Land'art en Martinique 27 au 31 janvier
Le projet
Libre comme l'eau, jouer à l'eau
Qui n'a pas mis ses mains en coupe pour boire à l'eau de la source, ou se rafraîchir le visage ? Qui, par jeu, n'a jamais essayé de garder l'eau au creux de ses mains et ne l'a pas vu s'écouler malgré tout ?
On dit « libre comme l'air » mais ne devrait-on pas dire « libre comme l'eau » ?
En m'inspirant des paniers que les gens, ici, improvisent très rapidement avec une ou deux feuilles de palmier, je propose, un tressage/tissage/assemblage de feuilles ou d'herbes, placé sur la route de l'eau.
L'eau y dévie à peine et poursuit sa course...
Ce travail se lit comme un geste d'acquiescement devant les lois de la nature.
Un tissage est placé sous le jet de la deuxième source. Il divise le jet, l'eau s'écoule en multiples filets. Jouer à l'eau comme un enfant et en faire un moment de réflexion sur son importance vitale, la regarder et l'écouter couler, abandonner la maîtrise de soi et du monde pour accueillir ce qui advient.
Le promeneur s'il le souhaite est invité à fabriquer lui même un récipient et à jouer à l'eau. Une petite collection pourra alors être installée près de la source...
La réalisation
Je commence par la fin, l'installation terminée, le lundi de la clôture.
Le contrat était de travailler pendant trois jours sur site, tout en recevant le public, avec la possibilité de préparer un peu en amont.
Mon installation au fil des trois jours, s'est étoffée, a accueilli des essais, des propositions diverses des passants invités à jouer à l'eau et à imaginer des jeux pour l'eau.
A la fin, dimanche soir, j'ai pris un peu de recul et élagué pour proposer une dernière composition qui intègre cependant quelques créations des passants.
L'eau apparaît sous de multiples aspects, au fil du temps passé à côté de la source. Elle se renouvelle à l'infini, toujours autre, comme le temps dont on dit bien qu'il s'écoule.
Elle est l'eau qui rafraîchit, l'eau qui désaltère, l'eau qui lave et purifie au sens propre comme au sens figuré, l'eau qui émerveille et surprend, qui donne envie de jouer et qui réjouit celui qui la regarde et l'écoute couler.
Quand j'ai lu l'appel à projet, j'ai d'abord pensé à une installation sonore. Finalement, elle m'a été donnée par l'eau qui coule, le vent, la pluie, les conversations et parfois les bribes de musique du "bélé" plus bas, avec d'infinies variations.
A présent l'histoire ...et les détails
Nous découvrons la forêt humide en haut de la route forestière qui part du quartier Pérou sur les hauteurs de Sainte Marie en direction des Trois Sources. Nous découvrons aussi que'il s'agit d'un lieu très fréquenté. Les gens viennent y chercher de l'eau et s'y laver...je me sens assez mal à l'aise car je les gène de toute évidence : peut être pas pour chercher de l'eau, encore que...mais en tous cas pour leurs ablutions et tel n'est pas mon but.
Le mardi, lors de la visite du site, je m'en ouvre à Laure la responsable de la manifestation, pensant éventuellement changer de lieu. Elle m'assure que ce serait dommage, que la population a été avertie et que l'ONF va encore communiquer sur l'événement.
Nous sommes revenus le jeudi après midi pour récolter nos matières premières et installer une canalisation en bambou pour que la source vienne couler plus près de la route..
Les villageois sont cependant nombreux à stationner près de la sources - en attendant notre départ ? - , l'air plutôt ennuyés. Certains s'en vont, reviennent plus tard. Un jeune homme s'y baignera malgré notre présence...Au fil des jours ils y en aura moins...leur source leur sera rendue dès lundi après midi...
Le premier jour d'installation officielle, est un vendredi les classes défilent en continu.
Heureusement que nous sommes deux, car je passe beaucoup de temps à montrer, expliquer et...jouer à l'eau avec les enfants et leurs accompagnateurs
Hubert prend le relaie, pendant que je suis occupée et tantôt fend les balourous dans la longueur et nettoie la partie intérieure, tantôt prépare les palmes, chaque brin séparé en deux pour le tressage, tantôt va chercher des éléments qui manquent...
Pendant cette journée si dense nous n'avons pas pris une seule photo, nous étions si occupés que nous n'y avons même pas pensé.
Le deuxième jour en début d'après midi, à l'arrivée d'Hubert le tissage est terminé. Il a même été testé sous la source avec quatre enfants d'une famille de visiteurs.
Tout semble pour le mieux quand un grand cri s'élève qu'on entend à des kilomètres à la ronde... Personne ne s'est fait mal, mais le bambou placé le jeudi après midi est tombé. De plus la conduite est complètement éclatée à une des extrémités.
Un "rasta" habitant du village, stationne en contre-haut et depuis le matin fait brûler du bois d'encens, qui, pour la petite histoire me fait copieusement tousser quand le vent la rabat vers moi. Il était déjà là hier et jusqu'à présent nous n'avons échangé que des salutations polies. Il vient à notre secours et nous aide à trouver des solutions.
La conversation s'engage grâce à cet accident.
Si jusque là il nous avait bien semblé comprendre qu'il s'agissait de sa forêt, la chose nous est confirmée :
- C'est nous, qui avons planté ces arbres, qui avons canalisé la source et qui l'entretenons...
Il s'intéresse aussi à ce que je fais, pose quelques questions.
Nous sentons que nous sommes tolérés avec bienveillance et, en quelque sorte, sous sa protection.
A présent je peux aménager l'approche ...et passer, sans crainte du temps avec les visiteurs.